Nous vous écrivons aujourd’hui un petit article un peu différent, qui – en plus d’informer nos proches sur la progression de notre voyage – pourrait aussi (nous l’espérons d’ailleurs!) servir à d’autres voyageurs qui chercheraient à se renseigner sur les “Islas Uros” du Lac Titicaca.

Nous sommes arrivés à Puno hier, et comme nous n’étions pas sûrs de rester longtemps dans le coin, nous avions décidé d’aller visiter les “Islas Uros”, sur le lac, pas trop loin de Puno – et visitables en quelques heures. Le réceptionniste de l’hôtel nous avait expliqué qu’il existait des excursions de 3 heures environ, ce qui nous semblait parfait.

Nous sommes arrivés sur le quai de départ en début d’après-midi, et très vite un racoleur de l’agence “AEUTTAL-Los Uros” (“Asociacion de Empresarios Unificados de Transporte Turistico Acuatico Lacustre Los Uros”, ndlr) est venu vers nous. “10 soles pour l’aller-retour vers les Islas Uros” – c’est le prix qu’on avait entendu, et comme il a l’air plus ou moins sympathique (il nous dit quelques mots en français, le classique) nous le suivons. Après quelques pas, le prix a déjà augmenté: le mec nous montre un panneau indiquant que la taxe touristique (en supplément) est de 5 soles par personne. Nous calculons que ça fait 1,25€ par personne en plus… Allez, on ne va pas chicaner! Puis ce serait dommage de ne pas naviguer sur le Lac Titicaca.

Nous achetons les billets pour le bateau à un guichet, et le tickets “touristiques” à une vieille dame. Petit échec de sa part: sur les billets qu’elle nous donne est noté un prix de 2,5 soles (et non 5). Nous le remarquons tout de suite, mais juste après avoir donné notre billet de 10 soles. Nous demandons à récupérer 5 soles de monnaie, mais la dame nous explique qu’elle s’est trompée et qu’elle nous a donné les tickets “pour les Péruviens”. Elle joue un peu sur le fait que la compréhension est difficile (dans notre espagnol encore un peu sommaire), et plutôt que de nous rembourser la différence, elle nous donne des tickets d’une autre version, indiquant effectivement 5 soles par personne. Bon…

On s’installe dans le bateau. Il y a une vingtaine de passagers. Tous les autres touristes sont d’Amérique latine – est-ce que nous avons dégoté un super filon local, ou est-ce que nous avons loupé quelque chose?

Le bateau démarre bien vite et après 30 minutes, nous arrivons sur une toute petite île avec quelques cahutes en paille. Un groupe de touristes nous précède, mais ce groupe s’en va dans une embarcation “typique” et nous laisse la place. Un vieux monsieur nous accueille, et se présente comme le “président” des îles Uros. Avec notre connaissance basique de l’espagnol, nous comprenons quand même un bonne partie des explications. Le “président” nous donne quelques détails sur l’île et la communauté, mais très vite, on sent que le ton change: “Ici, nous vivons exclusivement du tourisme, nous comptons donc sur votre générosité, pour soutenir notre artisanat, nos gens…”. “Ce sont les touristes comme vous qui nous font vivre,” ajoute-t-il en nous fixant particulièrement (nous, les seuls “gringos”). Déjà un petit malaise.

Les explications du “président” – notez le sol en paille (voir plus loin)

Après les explications, nous sommes répartis à 4 ou 5 par cahute, avec un habitant local à chaque fois. Là, le malaise commence réellement. Une dame nous montre “son travail” (des tapis, des bracelets, des montages en fils…), et comme nous sommes bloqués dans sa “maison” (avec un autre couple de touristes, sud-américains, et le “président” qui garde la porte), nous sentons vraiment la pression monter. Dans un premier temps, nous montrons poliment notre appréciation pour son travail, mais nous ne tardons pas à indiquer aussi clairement que nous ne comptons rien lui acheter. “Ah mais alors, elle va mourir hein!” déclare le “président”. Nous préférons éluder en indiquant qu’il existe sans nul doute des touristes plus riches que nous… “Oui, mais même les plus pauvres achètent!” Nous tenons bon malgré la pique. La dame et le “président” échangent quelques mots en quechua, que nous interpréterons comme “laisse tomber, ils cracheront rien ceux-là”…

En sortant de la cahute, le président nous montre d’autres artefacts. Pris d’une sorte de pitié, nous achetons quand même un petit collier à 5 soles (c’est plutôt Tim qui craque, Clem, elle, est furieuse), afin d’être tranquilles.

Tout le groupe est ensuite encouragé à monter dans une embarcation “typique” (appelée “la Mercedes-Benz” par le “président”) – la même que celle dans laquelle nous avons vu disparaitre le groupe précédent. L’embarcation doit nous mener à la “capitale” des Islas Uros… [Notez que nous utilisons les guillemets volontairement… 🙂 ] Dans l’explication du début, nous avons compris que ce trajet supplémentaire nous coûterait quelque chose (pour “soutenir la communauté”), mais comme nous avons peur de rester bloqués sur cette première île (où il n’y a rien à faire ni à voir), nous craquons à nouveau, et embarquons – en espérant trouver des choses plus intéressantes à la “capitale”. Tous les autres touristes font de même, à l’exception d’un petit groupe de 4 dames…

La “Mercedes Benz”

Lorsque l’embarcation démarre, des dames nous chantent des chansons en quechua et en espagnol. Ensuite, une jeune fille passe faire la manche auprès de nous. Nous avons déjà la mort dans l’âme (car nous sentons le guet-apens se refermer sur nous) et nous refusons de payer quoi que ce soit. Clémence fulmine de plus en plus!

En réalité, la petite embarcation “Mercedes-Benz” ne doit traverser que quelques centaines de mètres jusqu’au ponton de la “capitale”. Du coup, étant donné que le faire en ligne droite serait carrément du vol, la petite embarcation fait une sorte d’arc de cercle sur l’eau – allongeant le trajet de quelques minutes, transformant le “vol” en “arnaque”. Ouf? 🙂

Pendant le trajet, le “président” passe près de nous pour nous réclamer “10 soles par personne”. Nous lui répondons fermement que nous ne paierons que lorsque nous serons sûrs de pouvoir reprendre le bateau touristique du départ, pour retourner à Puno – car nous ne désirons pas nous retrouver bloqués sur une île avec de nouveaux frais inattendus. Heureusement, il accepte: “Pas de souci, vous pouvez payer à l’arrivée”. Nous le voyons ensuite poursuivre son tour, réclamant “10 soles par personne” à tous les passagers – dont nous voyons les mines déconfites, car tous, comme nous, sont surpris de la supercherie.

Lorsque nous débarquons à la “capitale”, le “président” nous redemande son dû. Nous nous permettons de rester fermes: nous trouvons injuste cette manière d’être traités, et nous ne paierons pas tant que nous ne serons pas de retour sur notre bateau “touristique” de départ. “Ah mais, ce bateau-là va arriver ici dans 10 minutes, ne vous inquiétez pas!” “Quoi? Mais alors, on n’aurait pas embarqué dans la ‘Mercedes’, on aurait simplement pris l’autre bateau, sans frais supplémentaires…” “Oh je l’ai expliqué pourtant, c’est pour soutenir la communauté…” “Ben ce n’était pas clair, et pas seulement pour nous on dirait!” Après quelques échanges, aidés notamment par la mine ferme de Clem (en mode bad cop), nous parvenons à payer seulement 10 soles pour deux – ça reste du vol vu les circonstances, mais c’est déjà 50% de moins que ce qui était réclamé.

On ne s’attendait déjà plus à grand-chose à ce stade, mais malgré tout, la “capitale” parvient encore à nous décevoir. Il s’agit d’un petit morceau d’île de 150 m² composé uniquement d’échoppes à souvenirs ou à nourriture. Les cahutes et les décorations sont relativement belles, mais tout nous parait très fake entre-temps. L’île semble se poursuivre plus loin (sans doute vers là où la communauté vit vraiment?) mais un panneau interdit le passage.

La “Capitale” – la photo montre 50% de ce qui est visitable…

Nous sommes profondément déçus (Clem dirait même “dégoûtés”) par cette grosse arnaque à touristes. Après avoir fait le tour de cette mini-zone, et acheté un peu d’eau (quand même…), nous nous asseyons sur un banc et commençons la rédaction de cet article.

Lorsque nous nous posons dans le bateau touristique de départ (arrivé effectivement 10 minutes après nous à la “capitale”, avec les quelques dames qui n’avaient pas embarqué dans la “Mercedes”), en vue du retour vers Puno, une scène un peu folle couronne cette excursion invraisemblable: à quelques centaines de mètres de nous, juste à côté de la première île où nous avions débarqué, un énorme incendie est en train de ravager entièrement les quelques cahutes de la zone! Etant donné que tout sur ces îles, y compris le sol, est fait de paille ou de bois, la brasier est immense et tout se consume en quelques instants. Tous les passagers de notre bateau, nous y compris, regardent la scène avec effroi et consternation…

Incendie de cahutes à quelques centaines de mètres de nous…

Le retour se fait dans un grand silence. Il est clair que tout le monde s’est senti arnaqué et pris au piège. Tous les tours “psychologiques” typiques des arnaques à touristes ont été exploités, nous semble-t-il. Nous étions bloqués sur une île, nous avons été éparpillés en petits groupes, on nous a mis des choses en main pour forcer l’achat, on a essayé de nous culpabiliser et de jouer sur la pitié, on a fait jouer la pression du groupe (d’ailleurs, tout notre respect pour les quelques dames qui n’ont pas embarqué dans la “Mercedes”!), et on nous a donné des informations volontairement floues.

Quelque part, contrairement à nos malheureux co-touristes, nous sommes encore relativement “fiers” d’avoir tenu bon, et d’avoir notamment payé seulement la moitié du prix demandé pour la mini-traversée vers la “capitale”. Malgré tout, ce qui s’annonçait dans les premières minutes comme une excursion à 10 soles par personne nous aura au final coûté 50 soles – pour une sortie extrêmement décevante et pauvre culturellement! Bien sûr, on peut relativiser le coût que cela représente en euros, mais ici, nous sommes au Pérou – et nous n’avons vraiment pas apprécié d’être trompés, mal informés et traités comme des machines à sous.

Au niveau de la négociation des prix, cela nous aura en tout cas servi de bon exercice. 🙂 Et par ailleurs, cela nous soulage de pouvoir vous partager ce qui nous est arrivé. Si ce récit permet à certains d’entre vous d’éviter de vivre la même expérience, alors, notre mésaventure de trois heures n’aura pas été totalement vaine! 🙂

Catégories : Pérou

Tim

Voyageur, rêveur, linguiste, musicien, animateur, formateur.

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